• La mer

    La mer

     

    La mer

     


    Au fond d'un lointain souvenir,
    Je revois, comme dans un rêve,
    Entre deux rocs, sur une grève,
    Une langue de mer bleuir.

    Ce pauvre coin de paysage
    Vu de très loin apparaît mieux,
    Et je n'ai qu'à fermer les yeux
    Pour éclairer la chère image.

    Dans mon cœur les rochers sont peints
    Tout verdis de criste marine,
    Et je m'imprègne de résine
    Sous le vent musical des pins.

    L'œillet sauvage, fleur du sable,
    Exhale son parfum poivré,
    Et je me sens comme enivré
    D'une ivresse indéfinissable.

    De longs groupes de saules verts,
    À l'éveil des brises salées,
    Mêlent aux dunes éboulées
    Leurs feuillages, blancs à l'envers.

    Je revois comme dans un rêve,
    Au fond d'un lointain souvenir,
    Une langue de mer bleuir
    Entre deux rocs, sur une grève.

     

    André Lemoyne.

     


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    LE SOLEIL
    Le soleil réchauffe nos coeurs
    Il donne de la chaleur
    De là haut
    Il rend le monde plus beau
    Par sa présence
    Il donne l'espérance
    Il donne envie de sortir,
    De se découvrir
    Il rend les gens plus gais
    Les met en beauté
    Dés le réveil,
    On se sent mieux avec le soleil...

    Soleil


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    Le chat (1)

    Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
    Retiens les griffes de ta patte,
    Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
    Mêlés de métal et d'agate.

    Lorsque mes doigts caressent à loisir
    Ta tête et ton dos élastique,
    Et que ma main s'enivre du plaisir
    De palper ton corps électrique,

    Je vois ma femme en esprit. Son regard,
    Comme le tien, aimable bête
    Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

    Et, des pieds jusques à la tête,
    Un air subtil, un dangereux parfum
    Nagent autour de son corps brun.

     

    Le chat


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    Poum

     

    (Colette)

     

    Je suis le diable. Le diable ! Personne n’en doit douter. Il n’y a qu’à me voir d’ailleurs. Regardez-moi, si vous l’osez ! Noir, d’un noir roussi par les feux de la géhenne. Les yeux verts poison, veinés de brun, comme la fleur de la jusquiame. J’ai des cornes de poils blancs, raides, qui fusent hors de mes oreilles, et des griffes, des griffes, des griffes ! Combien de griffes ? Je ne sais pas. Cent mille, peut-être. J’ai une queue plantée de travers, maigre, mobile, impérieuse, expressive – pour tout dire, diabolique.

     

    Je suis le diable, et non un simple chat. Je ne grandis pas. L’écureuil, dans sa cage ronde, est plus gros que moi. Je mange comme quatre, comme six – je n’engraisse pas.

     

    J’ai surgi en mai, de la lande fleurie d’œillets sauvages et d’orchis mordorés. J’ai paru au jour, sous l’apparence bénigne d’un chaton de deux mois. Bonnes gens ! Vous m’avez recueilli, sans savoir que vous hébergiez le dernier démon de cette Bretagne ensorcelée. « Gnome », « Poulpiquet », « Korriganet », « Korrigan », c’est ainsi qu’il fallait me nommer, et non « Poum » ! Cependant, j’accepte pour mien ce nom parmi les hommes car il me sied.

     

    « Poum ! » le temps d’une explosion et je suis là, jailli vous ne savez d’où. « Poum ! » j’ai cassé d’un bond exprès maladroit le vase de Chine, et « Poum ! » me voilà collé, comme une pieuvre noire, sur le museau blanc du lévrier qui crie avec une voix de femme battue… « Poum ! » parmi les tendres bégonias prêts à fleurir, et qui ne fleuriront plus… « Poum ! » au beau milieu du nid de pinsons, qui pépiaient, confiants, à la fourche du sureau… « Poum ! » dans la jatte de lait, « Poum ! » dans l’aquarium de la grenouille, et « Poum ! » enfin sur l’un de vous.

     

    Ce soir, tandis que le jardin arrosé sent la vanille et la salade fraîche, vous errez, épaule contre épaule, heureux de vous taire, d’êtres seuls, de n’entendre sur le sable, quand vous passez tous deux, que le bruit d’un seul pas ... Seuls ? De quel droit ? Cette heure m’appartient. Rentrez ! La lampe vous attend. Rendez-moi mon domaine, car rien n’est vôtre ici dès la nuit close. Rentrez ! Ou bien « Poum ! » je jaillis du fourré, comme une longue étincelle, comme une flèche invisible et sifflante. Faut-il que je frôle et que j’entrave vos pieds, mou, velu, humide, rampant, méconnaissable ?… Rentrez ! Le double feu vert de mes prunelles vous escorte, suspendu entre ciel et terre, éteint ici, rallumé là. Rentrez en murmurant : « Il fait frais » pour excuser le frisson qui désunit vos lèvres et desserre vos mains enlacées. Fermez les persiennes, en froissant le lierre du mur et l’aristoloche.

     

    Je suis le diable, et je vais commencer mes diableries sous la lune montante, parmi l’herbe bleue et les roses violacées. Je conspire contre vous, avec l’escargot, l’hérisson, la hulotte, le sphinx lourd qui blesse la joue comme un caillou.

     

    Et gardez-vous, si je chante trop haut cette nuit, de mettre le nez à la fenêtre : vous pourriez mourir de me voir, sur le faîte du toit, assis tout noir au centre de la lune !…

     

    Le chat Poum


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