Charles Cros

La neige
Regardez la neige qui danse
Derrière le carreau fermé.
Qui là-haut peut bien s'amuser
A déchirer le ciel immense
En petits morceaux de papier ?

Pernette Chaponnière 

Bien sûr ...

Si toutes valeurs est au temps
Je veux bien me laisser dormir
Dans ce long voyage des vents
Aux accords de ton sourire

Je veux aller ou la rivière
Court toujours sur des trésors
Immergés aux solitudes prières
Et lui dire que je l’aime encore

Bien sûr qu’il reste une image
Bien sûr qu’il y a un endroit
Un souvenir, une heure en héritage
Au plus profond au-delà de soi

Encore une fois revoir tous ceux
Qui sont partis et que la mort sépare
Apprendre que leur chemin est heureux
Et m’en aller au dernier train d’une gare…

Le monde est silencieux

Sur chaque lisière des rubans de gelée,
Les troncs gris lèvent, se sentant soudain vieux,
Leurs mains de communiants artistement brodées,
Faisant rosir, légers, les nuages aux cieux.

Un voile de mariée couvre la nudité
Des forêts en sommeil à l’aurore immobile.
Que les sapins sont fiers de leur manteau givré,
Plus épais que l'hermine, au drapé si fragile !

Du milieu de l'allée, à peine aperçoit-on,
Accroché au zénith, libre de pesanteur,
Le clocher triomphant d'une grande maison,
Immobile témoin des anciennes ferveurs.

Le monde est silencieux, la nature qui veille
Indique aux chemins froids le cortège nuptial
Où les fées aux yeux d'or murmurent à l'oreille
La somptueuse paix de l’univers glacial.

LE VENT