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"Déjeuner du matin" by Jacques Prévert
annotated by Maureen Jameson
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s'est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis son manteau de pluie
Parce qu'il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j'ai pris
Ma tête dans ma main
Et j'ai pleuré.
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Nuit de neige
La grande plaine est blanche, immobile et sans voix.
Pas un bruit, pas un son ; toute vie est éteinte.
Mais on entend parfois, comme une morne plainte,
Quelque chien sans abri qui hurle au coin d'un bois.
Plus de chansons dans l'air, sous nos pieds plus de chaumes.
L'hiver s'est abattu sur toute floraison ;
Des arbres dépouillés dressent à l'horizon
Leurs squelettes blanchis ainsi que des fantômes.
La lune est large et pâle et semble se hâter.
On dirait qu'elle a froid dans le grand ciel austère.
De son morne regard elle parcourt la terre,
Et, voyant tout désert, s'empresse à nous quitter.
Et froids tombent sur nous les rayons qu'elle darde,
Fantastiques lueurs qu'elle s'en va semant ;
Et la neige s'éclaire au loin, sinistrement,
Aux étranges reflets de la clarté blafarde.
Oh ! la terrible nuit pour les petits oiseaux !
Un vent glacé frissonne et court par les allées ;
Eux, n'ayant plus l'asile ombragé des berceaux,
Ne peuvent pas dormir sur leurs pattes gelées.
Dans les grands arbres nus que couvre le verglas
Ils sont là, tout tremblants, sans rien qui les protège ;
De leur oeil inquiet ils regardent la neige,
Attendant jusqu'au jour la nuit qui ne vient pas.
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Le Réveil en voiture
Gérard de NervalVoici ce que je vis : Les arbres sur ma route
Fuyaient mêlés, ainsi qu’une armée en déroute,
Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés !Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos !Et les monts enivrés chancelaient, – la rivière
Comme un serpent boa, sur la vallée entière
Étendu, s’élançait pour les entortiller…
— J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !Gérard de Nerval
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Le lapin blanc
J’ai parfois l’éclat de la neige, des yeux de braise
Les femmes,qui jugent les hommes,me trouvent toutes adorable
C’est comme quand le vent trace des sillons dans le sable,
Derrière les oreilles ça me donne des frissons
Une branche de thym une gorgée d’eau font mon bonheur
Mes goûts sont simples je ne roule pas sur l’or j’ai peur
Dès qu’une belle s’approche pour me demander l’heure
De répondre « je vous aime » n’écoutant que mon cœur
En avançant par bonds je fais fuir les grillons
Je muse dans les chaumes tel une sauterelle
Mon petit nez frisonne et j’ai de grandes oreilles
Je visite les fleurs en poursuivant les ailes
Des papillons je fais mon lit dans les sillons
Et je bois la rosée avec les coccinelles
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