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    Toile d’Hiver

    Elodie Santos

    La neige est si belle sur les arbres
    lorsque s’empilent petit à petit
    tous les flocons qui tombent du ciel

    Tout est blanc et couleur d’écorce
    et quelques oiseaux qui brillent comme des étoiles
    au milieu de ce ciel de jour où le bleu est parti

    Un rouge-gorge
    Une mésange
    Orange
    virevoltent autour de la mangeoire

    Et le grand pré est si blanc
    Blanc
    Comme une toile moelleuse
    Comme une toile d’Hiver
    Où les couleurs de vie
    ne partiront jamais

    Elodie Santos


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     Un peu de musique

     

     

     

     Sonnet.


    Une musique amoureuse
    Sous les doigts d'un guitariste
    S'est éveillée, un peu triste,
    Avec la brise peureuse ;

    Et sous la feuillée ombreuse
    Où le jour mourant résiste,
    Tourne, se lasse, et persiste
    Une valse langoureuse.

    On sent, dans l'air qui s'effondre,
    Son âme en extase fondre ;
    — Et parmi la vapeur rose

    De la nuit délicieuse
    Monte cette blonde chose,
    La lune silencieuse.

    Germain Nouveau.


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    Pensée perdue

     

    Elle est si douce, la pensée,
    Qu'il faut, pour en sentir l'attrait,
    D'une vision commencée
    S'éveiller tout à coup distrait.

    Le cœur dépouillé la réclame ;
    Il ne la fait point revenir,
    Et cependant elle est dans l'âme,
    Et l'on mourrait pour la finir.

    À quoi pensais-je tout à l'heure ?
    À quel beau songe évanoui
    Dois-je les larmes que je pleure ?
    Il m'a laissé tout ébloui.

    Et ce bonheur d'une seconde,
    Nul effort ne me l'a rendu ;
    Je n'ai goûté de joie au monde
    Qu'en rêve, et mon rêve est perdu.


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  • Paysage chez Cookinette

     

     

    Ultime faïence

    Sybille Rembard

    Petit oiseau blessé
    sorti de la cage
    les persiennes se ferment
    ton regard est parti
    la bougie est éteinte

    Les jeunes remplacent les vieux
    dans la ronde de la vie

    Je lève mon verre de vin
    abreuvée
    je chante
    la résilience humaine
    d’un cri étouffé
    je modèle avec mon cœur
    un adieu
    de larmes et de cendres mélangées

     


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    Voeu

    Victor Hugo

    Si j’étais la feuille que roule
    L’aile tournoyante du vent,
    Qui flotte sur l’eau qui s’écoule,
    Et qu’on suit de l’oeil en rêvant ;

    Je me livrerais, fraîche encore,
    De la branche me détachant,
    Au zéphyr qui souffle à l’aurore,
    Au ruisseau qui vient du couchant.

    Plus loin que le fleuve, qui gronde,
    Plus loin que les vastes forêts,
    Plus loin que la gorge profonde,
    Je fuirais, je courrais, j’irais !

    Plus loin que l’antre de la louve,
    Plus loin que le bois des ramiers,
    Plus loin que la plaine où l’on trouve
    Une fontaine et trois palmiers ;

    Par delà ces rocs qui répandent
    L’orage en torrent dans les blés,
    Par delà ce lac morne, où pendent
    Tant de buissons échevelés ;

    Plus loin que les terres arides
    Du chef maure au large ataghan,
    Dont le front pâle a plus de rides
    Que la mer un jour d’ouragan.

    Je franchirais comme la flèche
    L’étang d’Arta, mouvant miroir,
    Et le mont dont la cime empêche
    Corinthe et Mykos de se voir.

    Comme par un charme attirée,
    Je m’arrêterais au matin
    Sur Mykos, la ville carrée,
    La ville aux coupoles d’étain.

    J’irais chez la fille du prêtre,
    Chez la blanche fille à l’oeil noir,
    Qui le jour chante à sa fenêtre,
    Et joue à sa porte le soir.

    Enfin, pauvre feuille envolée,
    Je viendrais, au gré de mes voeux,
    Me poser sur son front, mêlée
    Aux boucles de ses blonds cheveux ;

    Comme une perruche au pied leste
    Dans le blé jaune, ou bien encor
    Comme, dans un jardin céleste,
    Un fruit vert sur un arbre d’or.

    Et là, sur sa tête qui penche,
    Je serais, fût-ce peu d’instants,
    Plus fière que l’aigrette blanche
    Au front étoilé des sultans.

    Victor Hugo, Les orientales

     

     


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